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30 mai 2017 2 30 /05 /mai /2017 23:04

Dans son étude : "la Tunisie en 2025", l'institut d'Etudes stratégiques de Tunis a mis en valeur le rôle de la culture (2em partie, chapitre 5, éducation et culture, pp. 72-82). Dans son évaluation de l'état de la culture, à la veille de la "révolution", le rapport examina essentiellement l'offre de pratiques et de services culturels et en particulier dans le domaine des arts et des lettres et énonce, comme conclusion hâtive : "le déficit de synergies et de bonne gouvernance" dans les domaines de l'éducation et de la culture. Peut être n'a-t-il pas pris en compte la juste mesure de la mise en œuvre des grandes orientations nécessaires pour insuffler une nouvelle dynamique au développement du pays, après la libération. Fait important, la nouvelle constitution du 27 janvier 2014, adopte une approche multidimensionnelle et transversale: la culture est envisagée comme facteur essential d’intégration puisqu’elle assure la communication entre les acteurs sociaux et la pérennité de leur interaction. Fait important, dans la conjoncture post-révolution, la culture est un facteur essentiel du changement revendiqué par la population aux acteurs politiques.

Une enquête menée en novembre 2015, par l’International Republican Institute (IRI) sur 1.20729 adultes âgés de 18 ans et plus révèle le pessimisme dans lequel se sont installés les Tunisiens (International Republican Institute’s Center for Insights in Survey Research (2015). Public Opinion Survey of Tunisians, enquête citée par le rapport de l'IST).  Elle fait valoir la nécessité d'une révision, d'une réactualisation de la vision de la culture,  au service d'une mobilisation globale. A juste titre, l'UNESCO définit la culture, dans son acceptation, la plus large : « Elle  peut aujourd’hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les lois, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances» ( définition de l'UNESCO de la culture, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982).

Plus qu'une simple practice gestionnaire des lettres et des arts, la culture est une manière d'être, une dynamique sociétale globale. Elle représente un « réservoir commun » de valeurs. La stratégie culturelle requiert, ainsi, la prise en compte de notre patrimoine immatériel et de notre référentiel de progrès et d'ouverture de l'école réformiste tunisienne, du XIXe siècle, au livre-manifeste de Tahar Haddad, en 1930, à l'œuvre du leader Habib Bourguiba. Ces données essentielles devraient être mises au service d'une culture de promotion. D'autre part, "si l'on veut éviter la régression populiste, il faut reconstruire des imaginaires". Nous rejoignons le point de vue du philosophe François Dubet, décrivant l'état de la France (Cahier du  Monde, n° 2256, du 24 mai 2017) De ce point de vue, la culture joue un rôle essentiel. Elle constitue le postulat du développement et requiert, à cet effet, un appui prioritaire.

Pr. Khalifa Chater

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29 janvier 2017 7 29 /01 /janvier /2017 13:13

Investi, vendredi 20 janvier, le nouveau président américain Donald Trump, a exprimé ses vues, après sa prestation de serment au Capitole, à Washington. Rappelant son slogan de campagne, "l'Amérique d'abord, et seulement l'Amérique", il a affirmé : «Ensemble nous allons rendre à l'Amérique sa force. Nous allons rendre à l'Amérique sa prospérité. Nous allons rendre à l'Amérique sa fierté. Nous allons rendre à l'Amérique sa sécurité. Et oui, ensemble, nous allons rendre à l'Amérique sa grandeur» Son option populiste, critique l'Establishment et l'élite et appréhende l'Amérique des invisibles, des périphériques, des déclassés. Les observateurs ont remarqué que le président "hors normes, un outsider qui brouille les pistes", n'est pas dans une démarche consensuelle. On lui reprocha l'affirmation d'un "nouvel nationalisme agressif. Faudrait-il le critiquer, alors qu'il est resté fidèle à son discours de campagne ?

Fait évident, le 45em président des Etats-Unis fait valoir une nouvelle vision géostratégique, qu'il a explicité au cours de sa campagne. : Un assouplissement avec la Russie, une ligne dure avec la Chine et une  critique sévère de l'Union Européenne. Il propose de rétablir un partenariat stratégique avec la Russie.  Mais la praxis internationale peut-elle s'accommoder   d'une "alliance contre-nature", transgressant l'état actuel des rapports de forces ?  D'autre part, il remet en cause de "la politique de la "Chine unique", opte pour un le rapprochement avec Taiwan et annonce  la militarisation de la mer de Chine méridionale, mettant à l'ordre du jour une conjoncture de tensions. Attitude réservée sur l'Union Européenne, Donald Trump, accorde un intérêt prioritaire au Royaume Uni, prenant ses distances des autres pays. Il affirme, par ailleurs, que l'Otan est une organisation «obsolète».  D'autre part, Donald Trump a placé le protectionnisme au cœur de son programme. Il affirma solennellement au cours de son discours d'investiture : «nous allons suivre deux règles simples : acheter américain, embaucher américain».

Des questions se posent cependant :

1 – Le nouveau président  exprime son option, en faveur d'une "nation repliée sur ses frontières". Quelle sera la place de l'Amérique, dans le monde, dans le contexte de "l'isolationnisme", que le nouveau président prône, de son désengagement en conséquence et d'une politique de tensions avec la Chine ?

2 – Est-ce que le protectionnisme, sa décision phare, présentée comme solution miracle et ultime facteur de renaissance, pourrait assurer l'industrialisation, l'emploi et traiter la question de la précarité ?

Loi de la Palice, "la politique  est la confrontation avec la réalité". Ce qui implique le passage du marketing à la réalité. Négociateur par son statut d'homme d'affaire, plutôt qu'idéologue, le Président Donald Trump sera à l'écoute des réalités. Attendons le passage aux actes. Pr. Khalifa Chater

 

 

 

 

 

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1 juin 2016 3 01 /06 /juin /2016 14:27

Le retour de Bourguiba

L'entrée du grand leader Habib Bourguiba, le 1er juin 1955, à Tunis, au terme de longues années d’exil en France, onze mois après la proclamation par Pierre Mendès France de l’indépendance interne, a consacré le triomphe du mouvement d'indépendance tunisien. Cette scène de gloire de Bourguiba, montant un cheval Jelas a été commémorée par une statue, à l'entrée de Tunis. Les hommes du coup d'Etat du 7 novembre 1987, ont retiré cette statue et l'ont transféré à la Goulette. Ils l'ont remplacé par un derrick, portant une horloge ordinaire. Il s'agissait pour eux de faire oublier le Combattant Suprême et d'annihiler son rôle de libérateur du pays.

La troïka qui a pris le pouvoir, à la suite de la révolution a tenté vainement de remettre en cause ses réformes et de fossiliser son œuvre. La soft révolution permit le retour de Bourguiba sur la scène publique, la promotion de son œuvre et le retour à son idéaltype de progrès, de modernité, d'ouverture et de tolérance. Le retour de sa statue équestre était dans la logique de la continuité, au-delà des états d'âmes et des surenchères.

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1 juin 2016 3 01 /06 /juin /2016 14:14
Le retour de Bourguiba

L'entrée du grand leader Habib Bourguiba, le 1er juin 1955, à Tunis, au terme de longues années d’exil en France, onze mois après la proclamation par Pierre Mendès France de l’indépendance interne, a consacré le triomphe du mouvement d'indépendance tunisien. Cette scène de gloire de Bourguiba, montant un cheval Jelas a été commémorée par une statue, à l'entrée de Tunis. Les hommes du coup d'Etat du 7 novembre 1987, ont retiré cette statue et l'ont transféré à la Goulette. Ils l'ont remplacé par un derrick, portant une horloge ordinaire. Il s'agissait pour eux de faire oublier le Combattant Suprême et d'annihiler son rôle de libérateur du pays.

La troïka qui a pris le pouvoir, à la suite de la révolution a tenté vainement de remettre en cause ses réformes et de fossiliser son œuvre. La soft révolution permit le retour de Bourguiba sur la scène publique, la promotion de son œuvre et le retour à son idéaltype de progrès, de modernité, d'ouverture et de tolérance. Le retour de sa statue équestre était dans la logique de la continuité, au-delà des états d'âmes et des surenchères.

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27 novembre 2015 5 27 /11 /novembre /2015 17:18

Fukuyama a cru devoir annoncer "la fin de l'histoire". La chute du mur de Berlin et l'implosion de l'URSS, mettraient fin aux compétitions, aux affrontements et aux guerres, dans le cadre du triomphe du libéralisme et de l'hégémonie des puissances qu'elles ont adopté. Cette vision hâtive et partisane, occulte les différents acteurs du terrain et ferait valoir leur soumission à l'ordre dominant.

On ne peut d'ailleurs pas évoquer ni une "fin des idéologies", ni "une fin du politique". La démarcation entre les visions, les projets d'avenir et les ambitions évidentes marquerait les postures politiques, les alliances, les rivalités ou les simples ententes de coexistence. Usure certes du politique, nous sommes plutôt dans une démocratie, non pas d'opinion mais d'émotion, sinon de démission.

Ne pourrait pas, plutôt parler d'une "fin des Lumières". Les catastrophes que nous vivons attestent le leadership des hommes de l'ombre. Des gens immatures ont pris le relai, dans l'aire arabe et bien au-delà, des penseurs, des intellectuels organiques, qui permettent de distinguer la graine de l'ivraie. Des acteurs régionaux auraient assuré la mise en scène de ces dérives. L'humanité a-t-elle besoin d

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27 mars 2015 5 27 /03 /mars /2015 11:38

Les réunions concurrentes : l’Instance constitutive le 13 mars et le Conseil national de Nidaa Tounes, le 14 mars attestent un conflit de légitimité. Les dirigeants sont ainsi divisés. Le président du parti, son secrétaire général et son directeur exécutif préconisent, lors de la réunion du comité fondateur, des sorties de crises, par des réajustements, dans le cadre des préparatifs de l'élection du bureau politique et de la tenue du congrès. Par contre, le Conseil national de Nidaa Tounes, réuni sans l'aval du comité fondateur, en présence d’un certain nombre de dirigeants (Hafedh Caïd Essebsi, Khemaies Ksila, Abdelaziz Kotti, Khaled Chouket et Nabil Karoui) met à l'ordre du jour «la rectification du fonctionnement du parti ». Fait d'évidence, une crise aigue agite, ces derniers jours, le parti Nidaa Tounes. Recevant les protagonistes, le leader fondateur du parti, l'actuel président de la république, recommande de contenir la crise et fait valoir le nécessaire consensus.

Ces repositionnements conflictuels favorisent bien entendu les manœuvres. Peut-on exclure des jeux de coulisses internes ou externes, sans la connaissance bien entendu des protagonistes, dans le but d'affaiblir le parti et d'identifier une alternative ? Une scission, accompagnée par une division des députés de Nida, changerait les rapports de forces au parlement et mettrait en cause la majorité. De toute façon, elle affaiblirait le gouvernement et paralyserait son action, en vue de satisfaire les attentes.

D'autre part, l'inflation communicationnelle a révélé que des puissants lobbys sont en œuvre. Elle atteste également des jeux dans l'ombre, d'acteurs externes, soucieux de tirer les ficelles. "Dans les périodes de troubles, rien n'est plus commun que l'alliance du vice audacieux et de la vertu turbulente" (Pierre Gaxotte. Thèmes et variations, Propos sur la liberté, Paris, Fayard, 1957). Une telle alliance insoupçonnée de conjoncture, peut saisir l'opportunité d'une crise entre des frères d'armes. Les dirigeants de Nida Tounis doivent être vigilants, pour faire échec aux ennemis de tous bords, qui proposeraient leurs soutiens intéressés.

De leur coté, les membres de Nida Tounes se voient dans un bateau ivre, privé de direction. Les simples réajustements seraient loin de suffire. "C'est le courage qui permet d'assumer l'adversité, essentiel de la politique" (Chantal d'Elsol, "les français saisis par l'angoisse", Le Monde, 6 novembre 2014). La direction Nida Tounis devrait faire valoir la synthèse à tout prix, le compromis, à défaut de consensus. La parole abondante d'une direction inaudible, ne permet pas une sortie de l'impasse. Autrement, Nida Tounes ne passerait pas le deuxième cap électoral.

D'ailleurs la question dépasse le parti et suscite l'inquiétude générale. Prenons la juste mesure de la grande désillusion postélectorale. La déconstruction est-elle désormais une spécialité tunisienne ? Démentons les diagnostics pessimistes. Le pays a des repères, qui font échec aux dérives. La réussite de la transition démocratique tunisienne l'atteste et le confirme, dans la grande épreuve de l'aire arabe. Fait certain, Nida tounes porte une figure de l'avenir, qui nécessite une mobilisation salutaire de l'ensemble de ses dirigeants et de ses adhérents.

(L'Economiste Maghrébin n°654

du 18 mars au 1er avril 2015).

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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 12:35

Le nouveau gouvernement est, en fin formé. Les nombreuses déclarations des acteurs et les exigences des partenaires, dans le cadre des tractations, ont saturé l'espace médiatique. Les différents partis ont affirmé leurs exigences. Le comité exécutif de Nida Tounis, réuni le 31 janvier, a rappelé que sa ligne iéologique doit être au diapason des exigences de l'électorat, qui rejettent la participation - fut-elle symbolique ! - du parti an-Nahdha au gouvernement. Habib Essid devait ménager le parti qui l'a désigné, alors que la famille démocratique, en l'absence du Front Populaire ne pouvait lui assurer une majorité confortable. Comment pouvait-il traiter cette "équation difficile" ? La formation ministérielle présentée, traduit un compromis laborieux, sinon une fin de non recevoir ou presque des demandes de Nida Tounis.

La représentation politique a été élargie : Nida Tounis (7 ministres), Afaq (3 ministres), l'UPT (3 ministres), an-Nahdha (1 ministre et 3 secrétaires d'Etat). Fut-elle réduite, la participation d'an-Nahdha pose problème. Elle ébranle les rapports de forces au sein de Nida Tounis, plutôt hostile à sa participation et au parti an-Nahdha, lui-même, dont les partisans ne comprennent pas sa redimension, au sein du gouvernement. En intégrant le mouvement En-Nahdha et Afek Tounès, qui aurait pesé de tout son poids dans le deuxième round des négociations, le chef du gouvernement espère s’affranchir de l’écueil d’une légitimité contestée ou d’une courte majorité.

D'autre part, des retouches ont corrigé la première mouture, qui avait essuyé un large rejet de la part d’une grande partie la classe politique. Les éminents experts choisis, in fine, traduisent le souci d'Habib Essid d'assurer le rajeunissement de l'équipe et une participation féminine relativement importante. Certains politiciens regrettent l'écartement de grands technocrates, qui ont fait leurs preuves, dans les domaines de la défense, de la sécurité, de l'économie et de la culture. Ils notent également que l'équipe ministérielle privilégie la formation juridique, sur les autres spécialités.

Ainsi composée, l'équipe ministérielle peut être soutenue par une majorité confortable. Mais peut-on rapprocher les points de vue, de formations, qui n'ont pas de visions partagées ? Le Chef du gouvernement semble à la cherche d'une voie médiane, d'une synthèse, d'un compromis entre le programme déterminant de Nida Tounis et des alliés de la mouvance démocratique et les associés du parti islamiste. Il doit aussi adapter le libéralisme dominant aux attentes sociales. Comment concilier des orientations si différentes et pratiquement incompatibles ? Peut-il transgresser la tyranie de la cohérence ? Ce gouvernement peut-il être à la hauteur des enjeux de la conjoncture ?

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 10:20

Alors que les élections parlementaires et présidentielles couronnaient la transition démocratique tunisienne, l'incident de parcours de l'affaire des archives présidentielles suscita des inquiétudes et nourrit un riche débat citoyen. Le rappel à l'ordre, conforme aux exigences de l'ère tunisienne des libertés, rappelait le souci de faire valoir "la vérité et la dignité", selon le titre même de l'instance de justice transitoire, céée à cet effet. La mémoire tunisienne a été mise à l'épreuve, non par le texte fondateur de l'instance judiciaire, destinée à conforter la réconciliation nationale, à tourner la page des dérives, mais plutôt par un processus de transgression des prérogatives. Ce qui nécessite une redéfinition des mécanismes d'application de cette instance, selon les vœux des acteurs politiques tunisiens, auteurs du consensus fondateur. Fait d'évidence, le texte de la loi ne prévoit point une réécriture de l'histoire tunisienne. Les membres de l'institution Vérité et dignité, n'ont pas été choisis, d'après leur compétence, en telle matière. Il ne s'agit point, d'autre part, de mettre en cause, l'histoire glorieuse de l'indépendance, des réalisations de l'Etat moderne, de ses obsessions scolaires, sanitaires et sociales salutaires. Qui peut se permettre, dans un souci d'éventuelle revanche, de remettre en cause les acquis du Code du Statut Personnel, de la généralisation de l'enseignement, de la tolérance et de l'ouverture. Les aspects positifs, dépassent bien entendu, les faiblmesses et les dérives de la conjoncture. L'instance "Vérité et Justice" doit certes examiner les dossiers relatifs aux procés intentés par les plaideurs, aux questions de dépassements de la loi et de la transgression des droits, mais elle ne doit, en aucun cas, pas aller au-delà. Elle n'a ni la compétence scientifique pour engager la réécriture l'histoire tunisienne, ni l'expertise et les moyens requis, pour conserver et répertorier les archives nationales. Il faut redonner à la mission de l'instance de justice transitoire, ses justes proportions, d'institution d'une conjoncture. Tout dépassement et toute transgrssion de l'éthique de reconciliation, déligitimerait cette opératoire salutaire, créée par la sagesse tunisienne, pour le bien de tous.

Créée par la loi fondamentale n°35, en date du 24 décembre 2013, l'instance " vérité et dignité" a pour objectif d'établir la justice transitoire et son organisation. Elle doit "traiter les atteintes aux droits de l'homme, le questionnement et le jugement de ses responsables, réparer les préjudices subies par les victimes et la restauration de leur égard, en vue d'assurer la réconciliation nationale" (article 1, traduction personnelle). Considération appréciable, le texte fondateur exclut les réglements de compte dans ce processus de réconciliation, érigée en principe fondamentale.

Précaution nécessaire, mais non suffisante, les membres de la commission ne doivent pas assurer une responsabilité dans un parti politique (article22). Condition sine qua none, il aurait fallu écarter de l'instance, les activistes politiques, pour assurer la neutralité de l'institution et éviter les accusations de revanche. Fait surprenant, les accusés ne peuvent en aucun se défendre, ou engager des procès contre les membres de l'instance, qui bénéficient de l'immunité (article 34). Dans ce cas, "l'arroseur ne peut pas être arrosé".

Dans le cadre du processus de traitement des affaires, l'instance dispose du droit de consultations des archives publiques et privées (article 40). Elle dispose du libre accès, relatifs bien entendu aux violences des droits, objectif générique de sa mission. Mais l'accès n'implique guère l'appropriation ou le transfert. Autrement, elle s'érigerait en institution d'archives qui remplacerait éventuellement les Archives Nationales. Le terne utilisé "Nafadh", veut dire accès. Autrement le droit de "Nafadh" des journalistes aux différentes institutions impliquerait leur appropriation-confiscation. Or, dans le cas des archives et des manuscrits, les institutions qui bénéficient de la compétence exclusive, à savoir la BN et les Archives Nationales, conservent et sauvegardent les originaux. Ils permettent la consultation, selon les conditions prévues et fournissent des copies sur demande.

Censé mettre au point les mécanismes d'application de la loi "Vérité et Dignité" le règlement intérieur adopté par la Commission (arrêté en date du 22 novembre 2014) développe son infrastructure par la création d'une administration centrale et régionale et huit directions (article 47). Alors qu'elle constitue une structure transitoire, elle s'érige en "Etat dans l'Etat", exerçant un contrôle dépassant ses prérogatives. Notons, à titre d'exemple, la création d'une direction des archives, alors que la loi fondatrice et le règlement intérieur ne prévoient que des consultations, en relation, bien entendu avec les affaires, relatives aux violations des droits de l'homme. D'autre part, ses engagements financiers échappent au contrôle préalable de la comptabilité publique (article 90). Cette mesure d'exception, ne parait pas justifiée.

Conclusion : En envisageant de prendre possession des archives de la Présidence, allant au-delà de la consultation (nafadh aux archives), la commission transgresse sa loi fondatrice, occulte la loi des archives (loi 88-95, en date du 2 août 1988) et remet en cause l'institution des Archives Nationales. D'autre part, la commission a une vision réductrice des archives présidentielles. Ne se limitant guère aux violations des Droits de l'homme, elles concernent les relations internationales, les problèmes sécuritaires, les promotions administratives, les profils des grands acteurs nationaux. Or, il n'est pas question de prendre le risque de divulguer les secrets d'Etat, en les mettant à la portée de ceux qui ne les concernent pas. Il faut d'autre part, respecter la vie privée. Fait d'évidence, l'écriture historique et l'étude de la mémoire, exigent une formation spécifique, pour décrypter les faits et occulter les fausses informations de la rumeur, de radio trottoir et des faux renseignements. Elles dépassent les prérogatives de la Commission.

Il appartiendra aux corps constitués, à la présidence de la république, au parlement et au gouvernement d'assurer un retour aux normes et d'effectuer les corrections nécessaires du processus de la justice transitoire, pour le bien de tous, en réponse à l'habilitation citoyenne. Une telle œuvre de justice et de réconciliation nationale doit s'assurer l'équilibre de la transparence, l'humilité de l'autocritique, l'éthique de la diversité, l'ambition de la sagesse, la praxis de l'humanisme et peut être le refus de l'idéologie. Dans le traitement de dossiers délicats, un danger guette l'activiste politique : "l'institution de ses certitudes". Épargnons-le de cette grave dérive.

Pr. Khalifa Chater .

(La mémoire tunisienne à l'épreuve, in L'economiste Maghrébin, spécial janvier 2015).

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5 décembre 2014 5 05 /12 /décembre /2014 18:36

Le sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Dakar, le 29 et 30 novembre, avait pour ambition de redynamiser cette institution créée, dès le début des années soixante, à l'initiative de Léopold Sédar Senghor (Sénégal), Habib Bourguiba (Tunisie), Norodom Sihanouk (Cambodge) et Hamani Diori (Niger). Ils se proposaient de regrouper les pays nouvellement indépendants, désireux de transgresser les relations du système colonial français et d'instaurer des relations fondées sur des affinités culturelles et linguistiques. La première conférence des États francophones s'est tenue en 1969. Le projet se concrétisa en 1970, par la création de l'Agence de coopération culturelle et technique, appelée depuis 1997, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Groupant les pays ayant en partage la langue française, l'institution devait développer entre eux des relations de solidarité et de coopération privilégiée. En fait, l'OIF avait beaucoup d'ambitions et peu de moyens. Elle fut considérée par l'ancienne métropole comme une organisation subsidiaire, occultant toutes velléités de co-développement. La prise en compte de l'unique dimension linguistique ne pouvait assurer le rééquilibrage entre ses membres, alors que dominaient les relations asymétriques. L'entrée de la France dans l'Union Européenne redimensionnait les relations de l'ancienne métropole avec ses anciens partenaires. Elle a réduit ses budgets de coopération culturelle, en dépit de la concurrence des autres puissances, telles les USA, l'Allemagne et la Belgique. Le Choix, en 1997, de Boutrous Boutrous Ghali, ancien Secrétaire Général de l'Onu, pour diriger l'institution, devait lui assurer une visibilité internationale, compensant la modestie de son rôle. Geste tactique de la France, le choix d'un secrétaire général, hors de la communauté francophone, mettait en cause les principes fondateurs de l'OIF, aux d, en 2003, par Abdou Diouf, l'ancien président du Sénégal, devait corriger le tir. En dépit de son audience, l'OIF ne parvint pas à aller au-delà de son statut linguistique, malgré sa participation au règlement de certains conflits africains.

Le Sommet de Dakar avait pour ambition d'élargir les compétences de l'OIF. Il mit à l'ordre du jour l'examen des stratégies économiques et fixa, à juste titre, deux priorités : la jeunesse et la cause des femmes. Qu'en est-il au juste ? Quels moyens devait-il consacrer au financement de ces deux causes ? Qu'en est-il de la politique de co-développement ? Pouvait-on ignorer les graves effets de l'épidémie de fièvre Ebola qui a fait près de 7.000 morts en Afrique de l'Ouest depuis le mois de mars ?

Le choix, par consensus, de Michaëlle Jean, une canadienne d'origine haïtienne, comme secrétaire général de l'OIF, fait valoir la prise en compte de la nécessite de faire participer la femme aux structures de prise de décision, à l'égal de l'homme. Au-delà de cet acte symbolique, il faudrait assurer des moyens importants à l'OIF, pour développer son action. Les pays du Nord : la France, le Canada et la Suisse devraient établir des relations économiques privilégiées avec les pays francophones du Sud. Ce qui exige de dépasser les relations de connivence ou de clientèle. " Enjeu pour l'expression du français, l'Afrique est continent plein de richesses et donc de potentialités de croissance" (discours du Président François Hollande, le 29 novembre). Comment matérialiser cette mobilisation commune pour l'avenir ?

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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 19:58

L'économiste maghrébin, n° 639 du 17 septembre au 1er octobre 2014.

Loin de l'excellence qu'on n'a cessé de célébrer, la Tunisie soufre du nivellement induit par l'absence de l'ambition, le laisser aller général et la démobilisation de l'Etat, dans les domaines éducatifs et sociaux, depuis la fin de l'ère bourguibienne. Depuis lors, la baisse du niveau suscite l'inquiétude générale. Cette faiblesse scolaire au niveau primaire et secondaire, constitue le goulot d'étranglement du supérieur et de la recherche scientifique, vu l'insignifiance dans les classements universitaires internationaux. Conscient de la gravité de la situation, le conseil des ministres, réuni le 27 août 2014, a annoncé des réformes, destinées à assurer le redressement de la situation. Mais ces amendements ponctuels, n'ont pas l'ambition d'engager des mutations globales d'envergure, N'aurait-il pas fallu, éviter les solutions de replâtrage, poser un sérieux diagnostic et engager un programme audacieux, de réformes.

Un replâtrage, sans ambition : Etudiant la question scolaire, le Conseil ministériel décida de réviser la moyenne, de 25%, comptés sur la moyenne annuelle, lors du concours, national du baccalauréat. Ce taux sera réduit à 20 %. Pour bénéficier de ce « rachat » le candidat doit avoir une moyenne au baccalauréat, inférieure à sa moyenne annuelle d’au maximum trois points. Ainsi, une différentielle entre une moyenne annuelle et une moyenne au baccalauréat supérieure à trois points privera le candidat de cette mesure. Ménageant les parents, le gouvernement a évité la suppression pure et simple de la procédure d'intégration dans les notes du baccalauréat, d'un pourcentage important de la moyenne annuelle, responsable de la dévaluation de l'examen national. De ce fait, les élèves peuvent réussir le bac avec une moyenne de 7/20 et même moins, dans le cas du rachat.

Autre mesure décidée, l'enseignement du français, à partir de la deuxième année primaire et de l'anglais à partir de la troisième année primaire. Ces initiatives doivent être réétudiées, dans le cadre du traitement du problème de la faiblesse de l'expression, dans les langues, y compris l'arabe. Relativisons ces effets d'annonce, vu le nombre réduit des instituteurs maitrisant l'anglais. De ce fait, la mesure resterait plutôt symbolique, inscrite dans les programmes mais mal appliquée. Autre problème grave, les élèves apprennent le calcul en arabe au primaire et en français, au cours du secondaire. Ce qui provoque une confusion grave, fut-elle passagère ! N'aurait-il pas fallu opter pour l'enseignement du calcul, en français, c'est-à-dire en utilisant les chiffres arabes, durant les différents cycles. Autre mesure symbolique, le gouvernement décida de rendre obligatoire, le concours de la sixième année primaire, à partir de l’année scolaire 2014/2015. Ces mesures sont-elles susceptibles de redresser la situation scolaire et d'arrêter la baisse de son niveau?

L'état général de l'enseignement : Remarquons d'abord, que la gratuité de l'enseignement est désormais un vœu pieux. Déjà, dans les jardins d'enfants, les frais d'inscription sont exorbitants, pour une majorité de Tunisiens. Dans l'enseignement secondaire, les cours supplémentaires sont devenus quasi obligatoires. Pour réussir ses examens, l'élève doit faire des cours dans toutes les disciplines, y compris les sciences naturelles et l'éducation physique. Ce qui remet en cause le principe de l'égalité des chances. Fait aussi grave, les élèves n'ont plus de temps, pour réviser leurs cours, faire leurs devoirs et tester l'application du savoir reçu.

D'une façon générale, les cours se limitent à l'apprentissage et occultent la formation générale. Or, le cursus de l'enseignant comprend nécessairement l’enseignement disciplinaire, la coordination des équipes pédagogiques, et l’accompagnement personnalisé (suivi des élèves, aide méthodologique, dispositifs spécifiques, accompagnement éducatif, conseil en orientation, etc.). Il faudrait donc revoir les modalités pratiques de répartition de ces différentes missions. Les élèves doivent être au centre de la réflexion et de l'action du professeur, comme des personnes capables d'apprendre et de progresser et qui les conduit à devenir les acteurs de leur propre formation. L'absence effective de débats ne permet pas le développement de l'aptitude à la pensée critique des élèves et à l’analyse dans le contexte et à l’extérieur de la discipline étudiée. Il faudrait plutôt faire valoir les moyens d'accompagnements, susceptibles d'assurer l'autoformation et l'autocritique. Défaillance grave, l'ordinateur désormais omniprésent n'est pas instrumenté comme moyen d'accompagnement scientifique. Prenons, d'autre part, la juste mesure de la gravité des effets de la réduction de l'enseignement de la philosophie universelle, à la fin du cycle du secondaire. Ainsi la majorité des élèves est privée de débats de hauts niveaux, mettant en valeur la vérité relative et élargissant le référentiel de la pensée critique.

L'enseignement supérieur propose une formation de base dans la discipline choisie ainsi qu’une large formation scientifique générale. Par la suite, il approfondit la démarche de recherche scientifique et propose des contenus spécialisés. Il doit ainsi former des cadres supérieurs et des chercheurs de haut niveau. Par essence, l’enseignement universitaire est fondé sur un lien étroit entre la recherche scientifique et les matières enseignées. Cette rupture entre l'enseignement universitaire et la recherche est de plus en plus assumée en Tunisie, vu notamment le faible niveau des nouveaux bacheliers qui accèdent à l'enseignement supérieur. Permettez-moi de citer un exemple pertinent en Turquie : Ankara a une université technique du Moyen-Orient dont la langue d’enseignement est l’anglais, forte de 26.000 étudiants, 750 professeurs, 1400 instructeurs et 1250 chercheurs (enquête de Jawad Kerdoudin site IMRI, 1er septembre 2014). Prenons en compte un tel modèle.

Peut-on ignorer qu'on baigne, désormais dans la fluidité culturelle de la mondialisation. Les cours universitaires ont, en effet, des objectifs de compréhension du monde, de réflexion, de recherche, etc. On doit, bien entendu, faire valoir les liens des systèmes scolaires et universitaires avec l'emploi, sans cependant occulter le nécessaire développement de l'autonomie de la pensée et d’ouverture de l’esprit,

Conclusion : Le développement du savoir a été, sous l'ère de Bourguiba, un formidable levier d'influence, dans l'aire arabe et africaine, En dépit de la dégradation de la situation scolaire, l'avancée tunisienne, en la matière, reste effective, par rapport à la plupart des pays arabes. Comment rétablir la situation et créer les conditions de l'excellence scolaire? Ne faudrait-il pas mettre fin à cet abandon de l'idéaltype de progrès et de savoir et qui s'accommode de la critique des intellectuels ? Le pouvoir devrait dépasser les réformes, au jour le jour, selon les états d'âme, de ses équipes. Il semble nécessaire d'opter pour la formation d'urgence d'une commission nationale, chargée d'évaluer la situation, de se mettre d'accord sur un diagnostic et de proposer les réformes nécessaires, pour faire face au défi.

L'économiste maghrébin, n° 639 du 17 septembre au 1er octobre 2014.

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